« On ne pouvait pas vraiment dire que j’avais le loisir de dormir de longue nuit dans cette résidence. Rien à voir avec les 12 heures de sommeil que pouvaient bien se prendre la plupart des résidents. Non, moi j’étais un employé et je devais travailler jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un chat au rez-de-chaussée, pour être certain que tout soit propre le lendemain matin. En plus, je devais préparer mes ingrédients pour le lendemain puisque je me levais avec le soleil pour aller préparer le déjeuner d’à peu près tout le monde. C’était le désavantage, parmi tous les avantages visible, qui faisait que je détestais par-dessus tout mon boulot. Zéro liberté. Nous étions comme des lions en cage poussés à exécuter des pirouettes pour le plaisir de tout le monde. Heureusement, je savais trouver mon bonheur ailleurs, et ce, même si ce n’était pas de la manière la plus saine possible. Il y avait bel et bien une deuxième raison qui faisait que je n’avais pas droit à beaucoup d’heures de sommeil dans une nuit. Bien sûr, celle-là était beaucoup moins fréquente que l’autre et ne représentait pas vraiment une routine, mais elle avait tout de même sa raison d’être. Même si les vacances venaient à peine de commencer, j’avais développé des idylles amoureuses avec plusieurs vacancières. Enfin, aujourd'hui, elles étaient au nombre de deux. Il n’y avait rien de sérieux dans tout ça : je dirais que c’était peut-être des relations qui nous donnaient à chacun une certaine satisfaction dans tout ce qui nous entourait. Dans mon cas, c’était un peu comme si j’avais apporté de Vegas avec moi. La belle Vegas, ma maison. À croire qu’on ne laisse jamais complètement tomber les bonnes vieilles habitudes… Et puis, peut-être que j’essayais d’oublier aussi. Comme je ne pouvais pas vraiment laisser aller tous mes sentiments dans l’alcool et dans la drogue ici – m’étant promis de tout lâcher en arrivant à la résidence – je trouvais mon sanctuaire dans tout ce qui pouvait bien me rester et dans ce qu’on ne pourrait jamais m’enlever. Rien de très sain, considérant la situation dans laquelle je m’étais foutue dans les derniers jours, mais c’était ce que j’avais trouvé de mieux.

Il devait approcher deux heures du matin lorsque je pris réellement conscience de ce qui venait de se passer. À croire que j’avais piqué un somme, bien que je n’en avais pas vraiment envie. J’étais peut-être un peu plus fatigué que ce que je ne le laissais croire. Faut dire, le fond de teint que je me mettais en permanence dans le visage pour cacher mes taches de rousseurs que je maudissais tellement m’aidait peut-être à cacher toutes ces cernes dues au travail acharné et aux courtes nuits que je m’offrais. L’environnement m’était très familier : ma chambre. Elle n’était pas grande, meublée avec charme, mais bien simple. Rien à voir avec les chambres des hôtes. J’avais eu l’occasion de faire un tour dans la chambre de ma sœur un soir, alors que je lui rendais une petite visite. Nous évitions de traîner ensemble en public, je considérais que la réputation que j’avais acquise à la résidence n’était pas vraiment quelque chose qui allait l’aider dans la sienne. Ainsi, nous nous voyons discrètement, souvent après que tout le monde soit endormi. Sa chambre était – et de très loin – beaucoup plus belle que la mienne et je commençais à penser que les employés avaient les chambres les moins charmantes de la résidence, bien qu’elle ne soit pas si mal au final. J’étais bien enfoui dans mes couvertures et rien ne semblait trop différent à première vue. Enfin, si ce n’était que le soleil n’était pas encore levé et que je sentais une main délicate me caresser la nuque. Mes yeux s’ouvrirent doucement et je me tournai sur le coté, histoire de découvrir la source de mon réveil. Et je la trouvai, me souriant doucement, toujours aussi belle. June Hidding. Elle était ce genre de fille que vous aimez dès le premier coup d’œil, juste à la voir sourire. Enfin, je n’avais pas fait exception et nous étions devenus de très bons amis. Elle était peut-être celle en qui j’avais le plus confiance dans cette foutue résidence et je ne me plaignais pas de l’avoir comme meilleure amie. Les moments que nous passions ensemble étaient toujours très amusants, mais il y avait un petit plus dans toute l’histoire. Oui bon, déjà en partant, notre relation n’avait peut-être pas démarrée du bon pied, mais je n’étais pas à plaindre. C’était une petite June complètement bourrée qui était venue me voir. On avait commencé à draguer et puis finalement, ça c’était terminé un peu comme ce soir. Ça nous arrivait fréquemment, lorsque tous les deux en avions besoin… mais rien dans tout ça n’impliquait des sentiments et j’avais su le lui faire comprendre très clairement dès la première fois. Pour tout vous avouer, je m’étais attendu à une réaction négative, dans le genre une gifle en pleine figure histoire de me dévisager ou un coup de pied exactement à la bonne place… mais non. Elle m’avait étonnée en m’avouant que jamais il n’y aurait plus que ça et depuis, notre amitié allait de plus belle.

▬ « J’espères que BJ n’a rien entendu à coté, il va être traumatisé pour le restant de ses jours. »

C’était un peu ma manière de faire des salutations. Enfin, moi et mon sens de l’humour, il fallait s’y habituer. Encore sur ce coté j’avais eu un peu de difficulté, mais je m’en étais bien tiré après tout. Autant dire qu’il ne fallait pas vraiment être susceptible pour se tenir en ma compagnie, car je me foutais bien de ce que vous pensiez de vous-même, de ce que vous pensiez de moi et encore pire, je ne me gênais pas pour attaquer un peu votre ego avec des conneries à double-sens. C’était mon humour sarcastique et un peu particulier, ce qui faisait que ma personnalité était un peu plus écorchée que celle que j’avais bien pu avoir dans ma jeunesse innocente. C’était cet aspect de ma personnalité qui avait tellement changé depuis que j’étais déménagé à Vegas et qui me causait bien des troubles avec ceux que je connaissais depuis des années, à savoir ma sœur et Lyam. Arf, je ne voulais pas nécessairement penser à ce dernier, mais je n’avais pas pu m’en empêcher. Encore une fois, mon cœur fit un battement de trop dans ma poitrine juste à l’idée de penser à mon meilleur ami et j’entrepris de chasser au plus vite ces pensées de mon esprit. Malheureusement, je savais très bien que mes yeux me trahissaient au moindre sentiment et j’évitai ainsi le regard de ma meilleure amie pendant plusieurs secondes, jusqu’à ce que cela ne paraisse trop suspect. Soupirant longuement, je passai mes bras autour de la taille fine de June, la serrant contre moi. J’en avais marre de me montrer aussi faible et je détestais encore plus lorsque les gens autour de moi étaient en mesure de le réaliser. Je tentais tant bien que mal de garder mes masques pour me protéger, mais je réalisais lentement que plus je passais du temps dans cette place, plus ils tombaient bien malgré moi. À croire que j’étais maudit depuis que j’avais mis les pieds ici.

▬ « Je me suis pas endormi pour vrai, huh ? »

C’était tellement idiot de ma part, je me trouvais idiot. Enfin, ce n’était pas comme si j’y pouvais vraiment quelque chose, j’étais tellement exténué ces derniers jours. Surtout que tout mon chamboulement émotionnel ne m’aidait pas nécessairement à avoir des nuits paisibles… mais ce n’était toutefois pas une excuse valable à mes yeux pour laisser ma meilleure amie en plan après un aussi bon moment passé ensemble.

June Isabel Hidding passait la plupart de ses nuits seules dans sa grande chambre d'hôtel, dans son grand lit aux couvertures en soies à écouter le bruit du ventilateur. La nuit devenait alors longue, interminable et la jeune femme avait du mal à le supporter. On ne peut pas dire qu'elle a vraiment le sommeil facile. Alors June se regardait un film jusqu'à épuisement, se lisait un bouquin somniférique ou bien .. partait retrouver son meilleur ami, Jayden, dans sa chambre. Inutile de préciser que ce n'était pas pour se faire une partie de Monopoly ou bien, jouer au Scrabble. Ou se regarder la fin de la série Lost, ou se regarder un film d'horreur. Non, c'était plutôt pour .. prendre du bon temps, dirons nous. Les deux amis étaient très proches à ce niveau-là, mais pas que. C'était également des confidents et de très bons amis, le fait qu'ils couchent ensemble les rapprochaient de plus en plus, et encore mieux : il n'y avait rien de plus. Pas de sentiments, juste une bonne partie de plaisir. Et lorsque Jayden entend frapper à sa porte le soir, et qu'il voit la silhouette fine de June, ils savent tout de suite comment va se terminer la soirée. Et ce n'était pas plus mal.

Il se trouvait d'ailleurs que cette nuit là justement. June se sentait terriblement seule et décida de rejoindre Jayden, où ils passèrent la nuit à faire des folies, et à s'endormir. Enfin, Jay uniquement car la jeune femme n'était vraiment pas fatiguée. Elle regarda donc son ami dormir, pendant une bonne partie de la nuit, attendant patiemment son réveil. Comme à son habitude mais ça ne la gênait pas, elle aimait bien le regarder dormir et se dire que c'était vraiment – mais vraiment – le meileur ami qu'on puisse avoir. June qui était si attachée aux apparences et qui ne voulait pas qu'on la prenne pour la fille qui a des « sex-friend » de partout était heureuse de savoir que Jayden, lui, ne trahirai jamais leur petit secret. Trop bien, se dit June. Puis arriva le moment où Jayden ouvrit un oeil, puis deux. Comme à son habitude, la jeune femme lui caressa doucement la nuque avec son sourire, toujours le même. Celui qu'elle garde sur son visage angélique tout le temps, à n'importe quelle heure de la jour et de la nuit.

- J’espères que BJ n’a rien entendu à coté, il va être traumatisé pour le restant de ses jours.
- Je pense qu'il commence à avoir l'habitude. répondit June en riant.

La jeune femme le regarda se réveiller doucement. C'était devenu un véritable rituel entre les deux amis. June s'étira longuement tandis que Jayden la regardait toujours avec un plaisir non-dissimulée. Mais ce qui était bien avec cette situation entre eux deux, c'est qu'aucune question ne se posait à ce moment-là. Du genre « est-ce que c'est pas plus que de l'amitié ? » ou « est-ce qu'il m'aime vraiment ? ». Non, tous deux savaient très bien que c'était une relation purement sexuelle. Bien sur à côté, ils avaient des activités communes et ils partageaient plus que ça, car ils restaient quand même des meilleurs amis. La jeune femme déposa un léger baiser sur le front à Jayden et le regarda dans les yeux, quand celui-ci fit :

- Je me suis pas endormi pour vrai, huh ?
- Tu ferais mieux de te rendormir si c'est pour me poser des questions pareilles.

June avait répondu ça sur un ton plaisantin bien entendu. Elle fit un grand sourire et se retira petit à petit des draps et donna alors à Jayden une superbe vue sur son corps entièrement nu. La jeune femme eu un petit sourire en sentant le regard de celui-ci la parcourir et elle attrapa une grande veste à son meilleur ami qui trainait par là et l'enfila vite-fait. Elle était dans une veste beaucoup trop grande, les cheveux en bataille mais elle demeurait toujours aussi jolie. Elle posa un genoux sur le lit et dépousa délicatement un baiser au coin des lèvres de Jay avant de se diriger vers la salle de bain où elle se passa un petit coup d'eau sur le visage tandis que son meilleur ami reprenait ses esprits après son long sommeil. Depuis la petite salle de bain, elle lui demanda :

- Sinon t'as bien dormi ? Tu as rêvé de moi j'espère hein ?

Elle fit un grand sourire et commença à se déméler un peu les cheveux tout en attendant la réponse de son ami, qui allait surement être un truc ironique ou stupide. C'était toujours comme ça avec lui. La jeune femme s'étira et partit le rejoindre sur le lit, il était toujours enfoui sous les draps : comme si il ne faisait pas assez chaud, songea miss Hidding en les lui enlevant d'un geste brusque. June aimait bien le taquiner dès le matin, c'était toujours très marrant et ça se finissait toujours par une bataille de .. bin de tout ce qui leur passe sous la main : savon, capotes, eye-liner, etc .. De vrais gamins.

- Je sais que tu es endormi, Jay. Mais à ce point quand même ! fit June en voyant aucune réaction de la part de son meilleur ami.

Réaction : zéro. June roula des yeux, soupira et revint dans la salle de bain pour prendre sa douche. Il fallait au moins ce temps-là à Jayden pour se réveiller, se dit-elle. Ou pas.

Les nuits pouvaient se faire longues et mouvementées lorsqu’un esprit tourmenté n’arrivait pas à passer par-dessus ses pensées pour enfin se retrouver dans les bras de morphée. J’imagine que c’était un peu mon cas. Je mettais normalement, quinze petites minutes avant de trouver sommeil, alors que depuis quelques jours, je voyais les chiffres de mon cadran défiler sous mes yeux pendant des heures, bien conscient que cela ne retardait pas pour autant l’heure à laquelle mon réveil allait sonner pour m’annoncer qu’une autre journée commençai et qu’il était temps pour moi de faire face à la réalité à nouveau, cette réalité devenue routinière, celle de simple employé dans une résidence de vacances. Heureusement que dans de tels moments, il savait trouver réconfort. Peut-être que lui aussi y trouvait bien son compte finalement, dans cette résidence. Et tous les soirs où il entendait cogner à sa porte à une heure un peu trop tardive pour que ce soit tout simplement BJ et son Aspiro-3000, je savais que tous mes soucis allaient bien vite s’envoler jusqu’à ce que, encore une fois, ce cadran n’attaque mes oreilles pour me ramener les deux pieds sur terre comme il se le devait. Mais cela en valait grandement la peine, puisque je savais trouver aujourd’hui en June une paix que j’avais trouvée rarement ailleurs. Il ne s’agissait pas là d’une simple relation physique, bien que toutes les… activités, auxquelles nous pouvions nous prêter lors de ses nombreuses visites n’incluaient aucuns sentiments, si ce n’était qu’un profond respect pour l’autre et une affection qui se voulait réconfortante.

On aurait dit qu’elle savait exactement quand j’avais besoin d’elle, quand j’avais besoin de sa présence à mes cotés. Je me fichais bien en fait que ce ne soit que pour me faire la discussion ou bien pour s’adonner à nos jeux particuliers. Ce soir, elle avait encore visé juste et que quelqu’un me fouille à savoir comment elle réussissait à tomber exactement à la bonne place, au bon moment. Malheureusement – et je me maudissais d’avoir un tel comportement – je n’avais pas pu apprécier ce moment à sa juste valeur puisque je m’étais endormi, comme un gros bébé, et d’un sommeil tellement profond qu’il se voulait aussi dur qu’une roche. Je ne comprenais pas pourquoi j’agissais de la sorte, parce que jamais dans les dernières années je n’avais présenté un tel comportement. Normalement, j’attendais au moins que la personne à coté de moi s’endorme avant de le faire moi-même, mais sinon, je n’osais pas montrer ce qui était pour moi une marque d’impolitesse. Et je me maudis intérieurement ce matin – ou cette nuit, peu importe – lorsque je réalisai qu’encore une fois j’avais succombé, laissant ma meilleure amie en plan. C’était pathétique, un signe de faiblesse – et Dieu seul savait, peut-être June aussi – à quel point je détestais me montrer faible face aux autres, encore plus face à moi-même.

▬ « Je pense qu'il commence à avoir l'habitude. »
▬ « Je te parie une glace qu’il va m’en reparler au travail dans les prochains jours. »

Ma voix encore un peu endormie présenta un ton beaucoup plus amusé lorsque je répondis à la brunette qui était à mes cotés, bien conscient que mes pauvres voisins ne devaient pas avoir les nuit tranquilles ces derniers temps s’ils ne se munissaient pas de bouchons. Mais les apparences me passaient par-dessus la tête et c’était bien le cadet de mes soucis, puisque je ne m’arrêtais pas à de tels détails. Et qu’un seul vienne se présenter à moi en osant insulter la relation que j’entretenais avec June – il réaliserait qu’il n’aurait jamais du croiser mon chemin de la sorte et s’en dégagerait avec l’ego bien affecté, aussi rapidement qu’il en était entré. J’avais tendance à surprotéger un peu ma pauvre June, qui malheureusement, prenait le mauvais rôle à cause de nos « bêtises », appelons-les de la sorte. Oui, parce qu’un homme qui réussissait à avoir une fille dans son lit à plusieurs reprises alors qu’aucuns sentiments n’y étaient liés était un charmeur, mais l’image associée à une fille qui faisait exactement le même truc était beaucoup plus dérisoire, et c’était bien ça qui me rendait complètement malade. Parce que June valait tellement plus que ça à ses yeux : leur relation dépassait bien le stade d’aventure d’un soir, bien que les apparences prétendaient tout le contraire. Sérieusement ? Je n’en avais rien à foutre.

▬ « Tu ferais mieux de te rendormir si c'est pour me poser des questions pareilles. »
▬ « Oh arrêtes, tu le sais que ça me rend fou de tomber pour si peu. »

Et c’était bien vrai. Malgré tout, June ne semblait pas en faire un plat et semblait beaucoup plus amusée par la situation que moi. Doucement, et avec une grâce qui me déstabilisait encore aujourd’hui, elle s’extirpa de mon lit et je m’accordai le droit de l’observer de haut en bas, ne pouvant me lasser de cette vue. Je ne pouvais pas le nier, bien que mes sentiments envers ma meilleure amie ne dépassaient pas une amitié plus que sincère, que June était de ces femmes à vous couper le souffle. Je connaissais bien des hommes qui auraient vendu leur âme au diable que pour avoir ma place l’espace de quelques minutes. Prenant une de mes nombreuses vestes qui traînaient dans ma chambre, elle l’enfile et prit la direction de la salle de bain, déposant un baiser au coin de mes lèvres au passage. Je lui répondis en prenant doucement sa main dans la mienne, l’effleurant en la laissant partir, alors que la brunette s’éloignait doucement de moi. Sa voix me parvint aux oreilles après quelques minutes, me posant une question qui me fit rire de bon cœur :

▬ « Sinon t'as bien dormi ? Tu as rêvé de moi j'espère hein ? »
▬ « Tu veux rire ? À qui d’autre pourrais-je bien rêver après une nuit pareille, huh ? »

Mon sourire et mon expression amusée se marquèrent plus sur mon visage, alors que je m’enfouissais à nouveau dans mes couvertures, bien décidé à ne plus les quitter, trop confortable pour même songer à les laisser. Malheureusement, June ne pensait pas de la même façon que moi et même avant que je ne puisse réagir, elle m’enleva mes couvertures, m’exposant entièrement à l’air frais de la place, me faisant frissonner par le fait même. Et pourtant, que pour l’embêter, je ne réagis pas, bien que l’envie de reprendre ma couette était tentante.

▬ « Je sais que tu es endormi, Jay. Mais à ce point quand même ! »

La pauvre. Je ne pus m’empêcher de rire à nouveau et lorsqu’elle entra dans la salle de bain pour la seconde fois, je me redressai, saisissant le bas de mon pyjama au passage pour l’enfiler, me dirigeant également dans la petite pièce adjacente à ma chambre pour commencer mon habituel rituel matinal qui pouvait s’étirer sur bien longtemps si je ne m’y appliquais pas. J’étais bien certain d’avoir au moins le double de produits que ma meilleure amie et ça m’amusait juste d’y penser. Branchant mon fer plat, me refusant d’avoir ne serait-ce que quelques mèches frisées aujourd’hui, je m’approchai de la douche, y fourrant ma tête un quart de seconde pour me mouiller la figure et prendre au passage mon savon pour le visage que je laissais toujours traîner là, ne pensant pas, la veille, évidemment qu’une petite brunette monopoliserait ma douche le lendemain matin.

▬ « Roh, mais tu l’aimes quand même ton gros flemmard et ça tu peux pas le nier, huh ? » lui lançais-je, amusé, alors que je m’affairais de nouveau à me donner une allure décente, devant le miroir de la salle de bain.

« Il y avait toujours cette espèce de période de temps le matin où je me sentais terriblement reposé, peut-être tout simplement parce que j’étais encore dans les vaps, ou tout simplement parce que je retrouvais June à mes cotés et que je savais alors que tout irait bien. Oui bon, je me devais d’avouer que la nuit passée avec elle avait sans aucun doute aidé à faire redescendre un peu toute la pression que je ressentais depuis quelques jours, mais savoir qu’elle était avec moi m’aidait seulement à laisser mes troubles de coté puisque je savais qu’avec elle, il n’y avait plus raison de s’en faire, qu’elle serait là pour moi, peu importe ce qui se passait. La preuve était bel et bien devant moi ce matin et je ne pouvais pas l’ignorer : mon humeur avait passé de désespérée à plus sereine en l’espace de quelques heures, et je le devais bien à June. Notre amitié améliorée ne m’avait jamais mis mal à l’aise, il fallait dire que j’avais courut à peu près n’importe quoi pendant trois ans à Vegas et que j’avais eu beaucoup plus qu’une seule relation d’un soir avec une fille. Ainsi, être avec June comme ça ne me dérangeait pas vraiment et je tentais bien malgré moi d’en tirer le positif comme je le pouvais. C’était traître, peut-être, je me sentais ainsi parfois, terriblement mal envers ma meilleure amie, ayant l’impression que je profitais d’elle, mais je tentait de me ressaisir en pensant que cette relation s’était établie d’un commun accord et que je connaissais assez June pour savoir qu’elle me l’aurait fait comprendre bien avant si elle n’avait pas voulu de ce petit bonus dans notre relation. Heureusement, il n’y avait jamais aucune ambiguïté entre nous lorsque nos galipettes étaient terminées et j’en remerciais bien ma meilleure amie. Me prendre la tête dès le matin n’était pas vraiment mon genre. Un sourire bêta au visage, j’abandonnai la partie lorsque la brunette vint m’ébouriffer les cheveux, me servant un argument auquel je ne pouvais malheureusement pas répliquer. Elle était forte cette petite, moi qui avais toujours eu beaucoup de répartie. À croire qu’elle était l’exception qui faisait la règle.

▬ « Ahlala, inutile de te rendre malade pour si peu Jayden. Personnellement, je prend ton sommeil pour un compliment : ça veut dire que j'ai été particulièrement géniale cette nuit là. Et les autres précédentes, bien entendu. »
▬ « Ça va, j’abandonne. T’as gagné. »

Je levai mes deux mains en l’air, me rendant complètement à cette petite brunette sadique qui me servait de meilleure amie. Enfin, sadique, je me comprenais. Moi qui n’avais pas l’habitude de me rendre aussi facilement, elle savait toutefois m’envoyer les répliques exactes pour que je ne puisse pas lui répondre et elle gagnait ainsi la partie. À croire qu’elle me connaissait trop. Justement, il était bien là tout le problème, je m’étais complètement ouvert à elle, un peu trop rapidement peut-être, et elle savait tout de moi. Tout sur tout. Entre autre cette fameuse soirée avec Lyam : je n’avais pas pu faire autrement que de lui raconter, tout ça m’avait mangé le moral et toute l’énergie que mon petit corps avait bien pu contenir, n’arrivant même plus à trouver sommeil la nuit, tellement j’en étais tourmenté. C’était la première fois que je ressentais ça depuis des années. Dans toute ma vie, je n’avais été amoureux qu’une seule fois, mais notre relation s’était transformée en amitié. Je redécouvrais petit à petit ce sentiment plus les jours avançaient, maintenant que je retrouvais Lyam à mes cotés. J’avais très rapidement compris mon tourment des trois dernières années et je ne m’étais pas gêné pour le crier haut et fort, rendant ainsi mon meilleur ami complètement confus. Est-ce que je lui avais fait peur ? Et si tout venait à changer entre nous ? Je me comportais comme un adolescent en peine d’amour et je me faisais honte à moi-même, réalisant à quel point j’étais faible d’agir de la sorte. Je n’étais toutefois pas seul dans cette situation : ma pauvre June était également dans une mauvaise passe. Je me souvenais de cet après-midi au rebord de la piscine, un autre congé improvisé que je m’étais permis, pendant lequel nous nous étions raconté nos dernières aventures, nos problèmes et nos joies. Et nous avions également conclut cette petite entente qui nous permettait ainsi d’aller voir l’autre si jamais le marchand de sable nous avait oublié pendant sa ronde… Le résultat était toujours pas mal semblable à celui qui de ce soir, mais je n’allais pas m’en plaindre après tout.

▬ « Oh bin avec toi, on sait jamais ! Tu serais capable de rêver de volailles. »
▬ « Écoutes, je prépares tellement de poulets par semaine pour le foutu buffet que c’est bien normal que j’en rêve : ils me hantent. »

Un sourire amusé se dessina sur mon visage : ma répartie et mon imbécillité finiraient bien par me perdre un jour, mais bon. Tant que je m’amusais, c’était bien ça qui était important. Je vis ma meilleure amie filer dans la salle de bain bien avant moi, prenant de l’avance. Oh elle n’aurait pas du : j’allais mettre une bonne heure à me préparer et la pauvre serait obligée de m’attendre. Enfin, ça c’était si elle le voulait bien. Je savais que ça pourrait faire suspect si on nous voyait sortir tous les deux de ma chambre, et je savais très bien qu’elle ne voulait pas que notre relation se fasse savoir. Enfin, notre amitié si, mais pas ce que nous faisions normalement dans ma chambre. Je la comprenais après tout et je la respectais : nous avions tous nos défauts et nos manies. Moi c’était ma faiblesse que je refusais de montrer, June c’était les apparences. Et je vivais très bien avec ça. Je n’allais pas m’en faire pour si peu et encore moins m’emporter parce que je me fichais bien de ce que les autres pensaient après tout. Ce n’était pas pour moi que la problématique se présentait, alors j’avais laissé le choix à ma meilleure amie. Choix qu’elle avait fait, choix que je respectais.

J’aurais du prendre ma douche ce matin-là, mais la place fut rapidement prise, bien avant que je ne pense à m’extirper de mon lit. J’haussai les épaules en sortant mon matériel nécessaire pour me préparer, envahissant le comptoir de ma salle de bain. J’étais assez pointu sur mon apparence, non pas parce que je voulais être parfait, mais plutôt parce qu’il était important pour moi de rester fidèle à mon propre style, à ma personnalité. Un Jay’ sans eye-liner attirerait beaucoup trop de soupçons : à croire que je passais plus inaperçu maquillé qu’au naturel. Rares étaient les personnes qui m’avaient vu au naturel dans cette résidence : je plaquais toujours mes cheveux, alors qu’ils ondulaient normalement, je cachais mes nombreuses taches de rousseur sur mon visage avec un fond de teint léger et je soulignais mon regard azur d’une touche d’eye-liner. C’était sans compter mes ongles constamment peinturés en noirs et les nombreux colliers et bagues que je portais toujours, représentant divers signes, bien que je ne sois pas superstitieux de nature. Je ne pus m’empêcher d’embêter un peu ma brunette préférée en allant la déranger dans la douche : tant pis pour elle, elle n’avait qu’à ne pas me prendre la place sous le nez. Enfin, j’aurais très bien pu aller la rejoindre sans problèmes, mais je décidai de faire mon ange ce matin et de ne pas trop en mettre, histoire de ne pas devoir le payer un peu plus tard. Surtout que à l’entendre parler, j’en avais déjà assez fait pour lui devoir quelque chose.

▬ « J'ai jamais dis le contraire, ne t'inquiètes pas. Mais tu sais comment je pourrai l'aimer encore plus mon gros flemmard, et surtout comment il pourrai se faire pardonner de s'être endormi ? En me lissant les cheveux. »
▬ « Voyons chérie ! T’aurais pu trouver mieux ! Allez, viens asseoir ton postérieur sur le comptoir que je puisse commencer à payer le prix de ma fatigue. »

Je ne pus m’empêcher de rire en entendant ma punition pour m’être endormi. Elle savait très bien que j’adorais jouer dans les cheveux des filles et que l’apparence, ça me connaissait. Je m’étais toujours dit que si je n’aurais pas voulu être musicien dans ma vie, j’aurais bien aimé être styliste. Enfin, je savais parfaitement que je n’étais pas fait pour travailler dans ce domaine puisque j’avais souvent tendance à être un peu trop extravagant pour les gens autour de moi et que si je me retrouvais avec quelqu’un de trop capricieux, je pourrais facilement lui éclater une crise de colère en pleine figure et perdre mon job. Heureusement pour elle, June n’était pas si compliquée que ça à comprendre et j’avais souvent tendance à visé juste lorsqu’elle me demandait de l’aider pour se trouver une tenue ou encore pour la coiffer, un peu comme ce matin. J’avais l’habitude, depuis trois ans, de me préparer comme je le faisais ce matin – après tout, lorsqu’on sort à pratiquement tous les soirs comme je l’avais fait, on n’avait pas vraiment d’autre choix. Et dans mon cas, si je ne voulais pas ressembler à Frankenstein, c’était nécessaire. Je terminai de plaquer une des mèches de ma frange, la seule bleutée qui ressortait dans mes cheveux noirs corbeau, et je lui fis signe de venir prendre place avec ma main, un sourire amusé dessiné sur le visage. C’était ça, le bon temps.