Dormir. Voilà ce que je devais faire. Dormir... pourquoi je n'arrivais pas à fermer l'oeil alors ? J'avais planté Sawyer hier et depuis, je n'avais pas mangé et je ne trouvais pas le sommeil. J'avais l'impression que j'en faisais beaucoup trop pour si peu, mais pourtant, c'était mon corps qui me donnait ces indications. Je poussai un soupir en regardant le plafond de ma chambre. À ce qu'on disait, les chambres des hôtes faisaient partie des plus belles de la résidence, peut-être était-ce vrai, je n'en avais pas conscience. Je devais m'avouer qu'elles étaient belles et luxueuses, mais les autres étaient différentes ? Je n'étais jamais allé dans une autre chambre ou bien j'avais oublié l'apparence de la chambre. Par conséquent, mes connaissances étaient plutôt limitées. Il devait être trois heures du matin en ce moment, parti comme c'était, je n'allais pas fermer l'oeil de la nuit. Un jour, je n'aurais pas le choix de dormir non ? J'allais devoir m'assommer contre un mur sinon. Surtout lorsque l'on considérait que dormir avait toujours été une de mes activités préférées. Je savais que cela pouvait paraitre flemmard, mais j'adorais retrouver mes forces dans un lit douillet. Combien n'aurais-je pas donné pour fermer l'oeil présentement ? On m'avait conseillé plus jeune de lire pour combattre l'insomnie. On m'avait aussi conseillé de boire une boisson chaude... bon, je n'avais pas de cuisinière pour me faire chauffer une quelconque boisson, mais je devais sans doute avoir un livre qui traînait. Je me levai du lit sur lequel j'étais allongé et je fouillai dans mes tiroirs. Je réussis alors à dégoter un livre. Lorsque je feuilletai les pages, je désespérai. Je n'avais pas du tout envie de lire, à quoi bon essayer ? Je rejetai le livre et je décidai d'aller « prendre une marche » dans la résidence.

J'avais bien entendu enfilé un pantalon, puisque je dormais en sous-vêtements comme le trois quarts des autres personnes masculines de ce monde. Je marchais maintenant sans but dans la résidence. J'avais l'air idiot à prendre une marche comme ça à trois heures du matin, mais de toute façon, il n'y avait pas beaucoup de personnes pour me voir. Tout le monde dormait. Je continuai donc ma marche, je m'ennuyais considérablement. Je me demandais si je m'assommais, est-ce que cela me permettrais réellement de m'endormir ou je risquerais de plutôt aller faire un tour à l'hôpital ? Plutôt mourir que de me retrouver à l'hôpital. Malgré que même si je mourais, je me retrouverais à l'hôpital. Je poussai un soupir, la fatigue affectait mes pensées plus que ce que je pensais. Je me surpris alors à me sentir seul. J'avais l'air pitoyable à marcher seul dans les couloirs à trois heures du matin alors que tout le monde dormait comme des personnes normales.

Je ne savais même plus si je marchais depuis un moment où si je marchais seulement depuis quelques minutes, lorsque j'entendis une voix qui me délivra de mes pensées. Je regardai autour de moi pour voir d'où elle venait. À cette heure, les lumières étaient éteintes pour permettre aux gens de dormir. C'était pleinement logique, mais peu pratique. Me fiant à mes oreilles, j'avançai vers l'endroit d'où je croyais avoir entendu la voix. Je vis alors une personne que j'aurais préférée ne pas voir, maintenant. Eleonore était assise sur le sol, les genoux contre elle. J'eus le droit à un « décidément, j'accumule on dirait. » lorsqu'elle me vit. Je n'ai pus me retenir de faire une grimace. Je n'avais jamais aimé cette fille et je ne l'aimais pas plus aujourd'hui. Lorsque j'avais appris son secret, j'en avais pleinement profité la faisant chanter un peu. Ce n'était pas comme si ça dérangeait vraiment quelqu'un d'autre qu'elle. Bon, peut-être un peu Elwin, mais de toute façon, Elwin et moi ce n'était pas du tout le grand amour. Et malgré tout ça, en la regardant, je poussai un soupir et je me laissai tomber à côté d'elle. Je n'étais pas vraiment d'humeur à la faire chanter ou toutes autres choses. Je passai alors ma main dans mes cheveux, signe de découragement.

« T’inquiète pas, je ne te ferai pas souffrir et je ne te torturai pas, au contraire je vais te laisser tranquille. »

Et pourtant, malgré que je vienne de lui dire que j'allais la laisser tranquille, je n'avais pas envie de m'en aller. Ce n'était pas que je l'aimais, mais je n'avais pas envie de retourner errer dans les couloirs de la résidence. Ça me faisait sentir encore plus mal que je ne l'étais déjà. Je n'aimais pas particulièrement cette sensation et je m'en passerais largement. J'osai alors penser que peut-être que je réussirais à m'endormir pour avoir au moins quelques heures de sommeil. C'était pas mal la dernière chance que j'avais sachant que je devais me lever tôt le lendemain. Je me relevai alors pour repartir, mais avant que je parte, je la regardai, me demandant ce qu'elle faisait là. Elle était assise sur le sol à côté, je pouvais le deviner, de la porte de sa chambre. Les mots qu'elle avait prononcés plus tôt me revinrent alors à l'esprit et je l'observai avec un sourire légèrement diabolique. Je savais qu'un peu plus tôt je lui avais dit que je ne dirais rien, mais là c'était trop évident. Je n'ai pus m'empêcher de retenir la remarque;

« Si j’ai bien compris, même ton colocataire ne veut plus de toi ? C’est dommage, va falloir que tu passes la nuit dans le couloir. » bien entendu, je ne trouvais pas ça dommage une seule seconde.

J'étais désespéré pour faire la conversation à l'une des vacancières que je détestais le plus au beau milieu de la nuit. Si j'avais réussi à m'endormir quelques minutes plus tôt, sans doute que je serais tranquille dans mon lit à faire le plein d'énergie. Mais voilà que je n'arrivais pas à m'endormir et que j'avais décidé d'aller prendre une marche dans la résidence. J'avais souhaité marcher, pas parler. J'étais debout à observer une Eleonore sur le sol qui semblait complètement découragé. Si elle avait été une autre personne, sans doute que j'aurais eu pitié d'elle, mais là, c'était Eleonore et je ne pouvais tout simplement pas me permettre d'avoir pitié d'Eleonore. C'était tout simplement impossible. Déjà qu'elle faisait souvent la vie dure au cercle, en plus, elle me portait encore moins dans son coeur. Bon, je ne lui donnais pas vraiment l'occasion de m'aimer non plus. Je devais pas mal représenter tout ce qu'elle détestait en y pensant. Toujours en train de lui rappeler sa peur, en plus je suis un hôte. Puisque oui, ce que j'aime le plus chez cette personne, c'est le magnifique pouvoir de persuasion que j'ai la possibilité d'exercer sur elle. Je dois avouer que depuis que j'ai appris sa peur, j'en profite largement. Je ne croyais pas que ça me mènerait à la faire chanter aussi souvent, mais c'était agréable de pouvoir profiter un peu de son ennemie.

Lorsque je me levai et qu'elle me demanda si je faisais de la fièvre, je roulai des yeux. Pourquoi cette remarque m'étonnait si peu de sa part ? J'aurais bien voulu lui dire que non je ne faisais pas de la fièvre, mais je décidai que ça ne servait à rien de lui répondre. À quoi bon ? Je n'avais pas franchement envie de supporter ces sarcasmes totalement inutiles. De toute façon, elle avait bien raison de croire que je n'étais pas si gentil que ça, puisque quelques secondes plus tard, je n'ai pus retenir la remarque qui sautait trop aux yeux. C'était tout simplement trop facile de la dire, je n'avais pas pus la laisser filer. Je l'aurais regretté un jour où l'autre, c'était certain. Lorsque j'eus dit cette remarque, elle me fixa. Elle me fixa beaucoup trop longtemps en fait. Je n'aimais pas être regardé et le regard d'Ele avait cette tendance à être persistant. Elle regardait les gens comme une personne qui cherchait à comprendre les autres, je n'appréciais pas vraiment. Je fis un sourire lorsqu'elle me dit qu'elle avait perdu ses clés. Sans doute qu'elle avait perdu ses clés et qu'elle ne voulait pas dormir par terre ou sur un canapé. J'ignorais qui partageait sa chambre, mais je pouvais le comprendre de ne pas vouloir laisser entrer Eleonore dans sa chambre. Ça devait être l'horreur de partager sa chambre... Lorsque je la vis alors se lever et prononcer des mots que je n'aurais jamais pensé l'entendre dire, je la regardai avec des yeux complètement ronds. Je ne pouvais pas croire qu'elle envisageait simplement de partager la même pièce que moi pour 4h. Une pièce qui d'ailleurs était à moi. Elle souhaitait réellement dormir dans ma chambre ou je rêvais ? Lorsqu'elle ancra son regard dans les miens et prononça les paroles que je n'aurais jamais voulu entendre, je déglutis.

« Mais à croire que c'est trop te demander de m'héberger hein ? »

J’avais la fâcheuse manie de toujours prendre les défis trop au sérieux. Je la regardai. Je n’arrivais pas à croire que j’allais réellement prononcer les mots que j’allais prononcer. Est-ce que j’étais devenu dingue ? Est-ce que j’acceptais réellement d’héberger Ele, dans ma chambre ? J’étais dingue.

« Si tu y tiens tant. Je vais t’héberger alors. »

Je roulai des yeux, comme pour montrer que ça ne me tentait pas plus que ça. Cette manie que j'avais de toujours accepter les défis m'énervait moi-même. Je regardai alors autour de moi et je me dirigeai alors vers ma chambre en lui faisait un signe de me suivre. Je marchais d'un pas rapide. Je commençais à regretter cette petite marche nocturne. Je n'aurais jamais cru que j'en ressortirais avec Eleonore sur le dos. Je marchai dans les couloirs sans vraiment vérifier qu'elle me suivait. La seule chose qu'il fallait que je vérifie, c'était que je ne fasse pas trop de bruit. Je ne tenais pas à recevoir des plaintes demain comme quoi deux jeunes personnes faisaient du bruit dans le couloir. Lorsque nous atteignîmes la porte de ma chambre, je l'ouvris et je laissai passer Ele. Même avec mes ennemis, j'avais cette tendance à être galant. J'étais toujours galant, j'avais été élevé comme ça, et je n'arrivais pas à me séparer de ces habitudes, peu importe la situation. Lorsque nous fûmes entrés, je fus heureux de ne pas être le genre de personne à toujours avoir une chambre en désordre. En fait, je n'avais jamais eu une chambre en désordre. Toujours rangé, ça faisait le bonheur des bonnes. Je poussai un soupir et j'allai m'asseoir sur mon lit. Je regardai Ele et je passai de nouveau une main dans mes cheveux. La seule question qui me vint à l'esprit fut alors;

« Tu dors sur le plancher ? »

Quelle belle nuit cela allait-il être.

Voilà que je me retrouvais à héberger une ennemie. Génial ! Je commençais moi-même à croire en la possibilité que je faisais de la fièvre. Sinon pourquoi aurais-je accepté ? Ah oui, c’est vrai, les défis. Je me rappelais lorsque j’étais jeune et que j’avais accepté les défis complètement débiles comme manger un insecte, etc. Des tas de défis complètement idiot, mais comme j’avais un semblant d’honneur, j’acceptais. Mon honneur était plutôt bizarre. Je n’hésitais pas à fuir devant une femme, mais manger un insecte, ah ça d’accord. J’aurais bien aimé naitre avec le genre d’honneur à tout casser. Malheureusement, au contraire, j’étais un peu trouillard. Nous étions maintenant dans ma chambre. Jamais je n’aurais pensé voir Eleonore debout sur mon plancher. Puisque oui, c’était mon plancher. Après tout, n’était-ce pas ma chambre ? En fait, j’avais des raisons de me demander pourquoi Eleonore préférait dormir dans ma chambre plutôt que dans le couloir. Étant donné que, dans les deux sens, cela avait des inconvénients, mais des avantages. Bon les avantages du couloir étaient peut-être un peu moins présents que ceux de ma chambre…

« Si tu crois que je vais dormir sur ton parquet tu te trompes! Gentleman au début mais véritable goujat à la fin à ce que je vois... »

Je la regardai désemparé. Elle venait de me sortir de mes pensées de façon plutôt brutale. En fait, tout le monde me sortait toujours de mes pensées. J'étais toujours en train de penser, c'était plus fort que moi. J'avais l'habitude d'avoir un retour à la réalité, mais je me sentais toujours un peu idiot. Surtout quand c'était moi qui avait commencé la conversation. J'oubliais les conversations que j'avais commencées, quoi de plus bête ? Je roulai des yeux en la voyant se laisser tomber sur lit. Je commençais à me demander si ce n'était pas elle qui faisait de la fièvre. Elle dormait dans ma chambre, mais dans mon lit en plus ? La remarque ne m'échappant pas, je la regardai un air perplexe au visage en demandant;

« Tu es certaine que ce n’est pas toi qui fait de la fièvre ? Tu dors dans ma chambre et dans mon lit, en plus… »

Je me laissai tomber à mon tour sur le lit. Je n'ai pu m'empêcher de lui faire un sourire narquois. Malgré ce qu'il pouvait paraitre, j'avais pensé à comment je pouvais en profiter. Il était tellement facile de faire passer une simple nuit dans une chambre pour plus. Bien entendu, je n'étais pas si méchant, mais cela pourrait très facilement me donner une autre raison de chantage. Quoi de mieux ? Par contre, il ne fallait pas qu'elle y pense avant moi. En fait, en y repensant, cela pouvait tout aussi bien entacher ma réputation, surtout auprès de Sawyer. Je poussai un soupir, tout devenait si compliqué. Parfois, j'aurais préféré ne pas ressentir ce sentiment. En fait, ressentais-je réellement quelque chose pour Sawyer ou est-ce que je me faisais des idées ? Je poussai de nouveau un soupir, je devais arrêter de me torturer. En plus, j'avais une parfaite idée du comment arrêter. Mes yeux se déposèrent alors sur la jeune fille. Je me relevai alors du lit et j'allai fermer les lumières, nous plongeant dans une obscurité totale. Puisque oui, les lumières étaient allumées. Je lui fis alors remarquer;

« Si on veut dormir un jour, vaut mieux fermer les lumières. »

Et je retournai sur le lit, mais cette fois je me plaçai de façon à essayer de dormir. Je savais que je n'allais pas fermer l'oeil de la nuit. Je n'avais même pas eu le courage de dormir comme je le faisais habituellement et j'avais gardé mon pantalon. Je passai mes mains dans mes cheveux. Je pouvais sentir qu'un certain malaise c'était installé. Du moins, pour moi. J'ignorais si c'était le cas d'Eleonore, mais personnellement, je le ressentais et de façon très puissante. Je n'avais jamais dormi de cette façon dans le même lit qu'une autre personne. Enfin, vous voyez ce que je veux dire ? Je n'étais pas vraiment le genre de personne à organiser des pyjama party, figurez-vous. Je savais que d'un sens, la remarque que j'avais faite pouvait paraitre un peu perverse, mais c'était vrai quand même. Pour la troisième fois, je poussai un soupir. Je n'étais pas très heureux de la situation, maintenant.

Après quelques minutes à regarder le plafond et à essayer de dormir les yeux ouverts, on peut toujours essayer ça ne fonctionne pas vraiment, j’étais complètement découragé. Je n’avais pas du tout envie de passer une nuit blanche. Surtout lorsque je me disais que j’avais une dure journée demain. Et pourtant, dès que je fermais les yeux, je pouvais voir son visage et je commençais à m’en vouloir, à regretter, à me poser des questions. Des tas de trucs qui m’empêchaient complètement de fermer les yeux et de me reposer. Je pouvais très bien m’imaginer qu’Eleonore dormait à côté de moi. Pris d’une soudaine envie de frapper un mur, je pris mon oreiller et je le posai sur ma tête. Si je n’arrivais pas à fermer les yeux autant essayer de ne plus rien voir. Malheureusement, ça ne fonctionnait pas vraiment non plus.

« J’en ai marre, j’arriverai jamais à dormir. »

C’était sortit tout seul, de manière un peu embrouillé puisque j’avais un oreiller sur le visage. De toute façon, ce n’était pas parce que je disais quelques mots que j’allais réveiller Eleonore, si elle dormait.

j'ai une idééée pour que ça débloque un peu (aa)

J'avais l'habitude d'aller dormir à des heures normales. Enfin, tout dépendait de mon humeur et de mon état de fatigue. Le plus souvent, l'heure du coucher tournait autour de 24h. Pour moi, c'était des heures normales. J'allais rarement dormir plus tôt sauf lorsque j'étais très fatigué. Je fonctionnais comme ça depuis que j'étais adolescent, mon rythme de vie n'allait pas changer comme ça. Puisque j'allais dormir vers 24h, je dormais environ six heures ou sept heures. Peu pour certains, mais assez pour me permettre de fonctionner. Il arrivait parfois que je paye de ce mode de vie et que j'aie un gros manque de sommeil, dans ce genre de journée, j'allais dormir très tôt pour recouvrir mes forces et reprendre ma vie normale. J'enviais souvent les personnes qui pouvaient aller dormir plus tard. Faire la grasse matinée me manquait. J'avais toujours été un peu paresseux et c'était dans mon amour de l'action dormir que je le démontrais le plus. Bon d'accord, il m'arrivait aussi de ne pas avoir envie de faire certaines actions par paresse. Je peux vous jurer que ce n'était pas par paresse que je n'avais pas envie de dormir dans la même pièce qu'Eleonore. Non c'était sans doute pour tant de raisons que je n'aurais pas assez des quelques heures qui me restaient pour les nommer. Croyant qu'elle dormait et que je pouvais m'exprimer sans me faire entendre, j'avais commencé à parler à mon oreiller. Bon d'accord, je n'avais pas l'air fou non plus, je ne lui faisais pas la conversation. Je l'avais déposé sur mon visage pour... pourquoi en fait ? Ah oui, pour me retenir de frapper le mur. Je n'en pouvais tout simplement plus. J'avais la nette impression que l'on m'en voulait et que l'on avait décidé de me torturer mentalement. C'était pour ça que pour calmer mes pulsions violentes, j'avais pris mon oreiller. Aucune chance que ça fonctionne, je m'étais permis de me plaindre un peu. Mais lorsque je sentis l’oreiller qui s’enlevait de mon visage, je commençais à penser que même lui me prenait pour un fou. Attendez, un oreiller qui bouge ?

C’est alors que je vis Eleonore qui me regardait, elle était assise. Je clignai plusieurs fois des yeux. J’avais l’impression d’être un gamin que l’on venait de prendre en flagrant délit. Quel délit avais-je commis ? Aucun. Le seul que je pouvais considérer comme un délit était de m’avoir mépris en pensant qu’elle était endormie. Je l’avais sans doute empêché de dormir avec mes jérémiades. J’étais complètement fatigué, mais pas assez pour ne pas remarquer le ton de gentillesse qu’avait prit sa voix. Je l’avais regardé complètement désarmé lorsqu’elle m’avait posé une question à laquelle je ne m’attendais pas du tout;

« Il y a quelque chose qui te tracasse? »

Je poussai un soupir. Je savais au plus profond de moi que c’était un piège, que si je répondais à cette question, je pourrais le regretter amèrement. Mais en même temps, il n’y avait rien de si grave… Enfin si, il y avait un truc de grave. Le fait que j’étais amoureux. Il fallait bien m’avouer que je l’étais, ça me perdait, mais je l’étais quand même. Je la regardai dans les yeux. J’avais une folle envie de tout dire, de déballer mon sac, enfin. Je n’avais pas pu me confier à qui que ce soit. Je me relevai donc à mon tour pour me retrouver assis. Sans vraiment y penser, je déballai tout ce que j’avais à dire, tant pis, j’en subirais les conséquences un autre jour.

« Oui, il y a tout un tas de trucs qui me tracassent. Je ne comprends même pas mes propres réactions. Je me torture sans arrêt, j'en ai marre. Je n'avais aucune idée derrière la tête quand je l'ai invité à prendre une marche et voilà que je l'embrasse et que je fuis après ! Pourquoi j'ai fui, hein ? Pourquoi il fallait encore une fois que je gâche tout ? Je gâche toujours tout, j'y suis condamné. Je n'aurai jamais un amour sain dans ma vie, je crois bien. Je suis tombé amoureux deux fois, je ne comprends pas pourquoi on apprécie autant ce sentiment. Il doit être formidable quand ce n'est pas moi qui le vis. »

J'avais conscience du fait que je me plaignais. Que je racontais mes problèmes à mon ennemie. Mais voilà, j'en avais marre de tout garder pour moi. Il fallait que ça sorte et c'était sorti au mauvais moment. Il me vient alors la liste des personnes à qui j'aurais pu tout dire, pourquoi l'avais-je choisi elle ? Ce n'était pas comme si je m'attendais à de grands conseils. Pourtant, je me sentais totalement soulagé. Je passai mes mains dans mes cheveux et j'évitai soigneusement son regard. Je commençais à avoir honte. Quand ce n'est pas moi qui le vis ? D'où je sortais ça ?

Déjà jeune, je n'aimais pas vraiment me confier. J'ai toujours préféré comprendre mes problèmes, les régler, sans les mettre sur le dos des autres. Je devais avouer que ce n'était que préjugés, car jamais auparavant je m'étais réellement confié. D'accord, pour certains ce que je venais de dire n'était pas vraiment de grandes confidences, mais pour moi, c'était tout ce qui me pesait sur le coeur que je venais de confier. J'en avais fait un résumé et quelques fois je n'avais pas su vraiment comme tout décrire, mais pourtant, je ressentais un soulagement énorme. J'avais l'impression que juste affirmer ces sentiments, c'était déjà mieux. Mais j'aurais très bien pu affirmer mes sentiments à mon oreiller. Pourquoi il fallait que la première fois que je décide de parler, c'était à Eleonore ? Lorsque j'avais pris conscience des mots que je venais de prononcer, je la regardai un peu perturbé. En même temps, j'avais bien évité de dire qui elle était. C'était déjà ça. Dire que je pensais qu'elle dormait, pourquoi avais-je un si mauvais instinct ? Le pire, c'était que souvent, je me fiais à cet instinct. S'il y avait bien une raison pour laquelle j'aurais aimé être une femme, c'était que souvent, j'entendais dire qu'elle avait un très bon instinct. Par contre, je n'aimerais pas être une femme pour une autre raison. C'est un peu trop compliqué à mon goût. Même lorsqu'elle paraisse simple, il y a quelque chose de compliqué. Je roulai des yeux, voilà qu'encore une fois, je pensais trop.

Je posai mes yeux sur Eleonore. Je ne savais décrire ce qu’elle pensait. Pensait-elle que j’étais un idiot ? Ça ne m’aurait même pas étonné. Quelle magnifique occasion de jouer son rôle d’ennemie, non ? J’ignorais ce que j’aurais fait à sa place. Aurais-je rigolé ou aurais-je plutôt compris et tenter le réconfort ? Puisque, même si peu de personnes voient ça comme cela, on est plutôt proche en y pensant Eleonore et moi. Je suis beaucoup plus proche d’elle que d’un inconnu qui passe dans la rue. Même si c’était une façon d’être proche un peu plus compliqué, avouons-le. Je me surpris alors à entendre des paroles de réconfort. Je la regardai, me sentant un peu bête.

« Tu es amoureux Caleb cela crève les yeux dès que tu en parles. D'un côté fuir, est sans doute le fait que tu es eu peur de la réaction de la jeune fille, donc, tu ne voulais pas souffrir sans doute... L'amour est difficile, certes, mais par moment y'a des moments magnifiques qui n'ont pas de prix, les mots je t'aime sont ceux que l'on aime toujours entendre, qui nous donne un brin d'espérance. »

Je lui rendis le sourire. Je ne savais pas vraiment comment considérer ces mots. Devais-je les croire ? Pourquoi n'avais-je pas encore vécu ces moments magiques alors ? Est-ce que je les vivrais un jour ? Sans doute, mais ça n'allait pas être tout de suite. J'avais tellement de trucs à régler, de ce niveau. Si un jour j'arrivais à tout arranger, ce serait un miracle. Je sentis alors la main d'Ele se poser sur la mienne, sans doute dans un effort pour être réconfortant. Je la regardai, surpris. Il n'y avait aucune méchanceté sur son visage, elle avait l'air gentille, pour une fois. J'avais vraiment l'impression en ce moment que nous étions amis. J'ignorais pourquoi, mais mon cerveau fatigué avait effacé toutes les vacheries que j'avais pu lui faire, ne restait plus que cet instant dans mes souvenirs.

« Allez ne t'inquiètes pas, je suis sûre que cela va s'arranger »

Mon esprit était confus, la fatigue, les tourments, Eleonore, n'y arrangeait rien. C'est sans doute pour ça que lorsque je l'entendis prononcer ces quelques mots, je fis un geste que jamais je n'aurais pensé pouvoir faire, envers elle. J'aurais peut-être compris envers quelqu'un d'autre, une amie ou même un ami. Mais elle ? Et pourtant, tout ce qu'elle venait de me dire, ces mots de réconforts, c'était trop pour mon esprit. Elle était comme une bouée sur laquelle je m'accrochais. Je l'avais embrassé. Sans doute que je regretterais ce geste, mais en ce moment, je ne le regrettais pas une seule seconde. Au plus profond de moi-même, j'aurais aimé qu'elle me repousse, que je ne fasse pas l'erreur que je m'apprêtais à faire. Mais pourtant, je ne sentis pas de mains qui me repoussaient. J'étais comme pris dans mon propre piège. Ce n'était pas qu'un simple baiser, c'était passionné, un peu trop pour que je puisse le supporter d'ailleurs. Pourquoi ne me repoussait-elle pas ? Avait-elle pitié à ce point de moi ? Malgré cette éventualité, je n'avais pas envie de la relâcher. Je trouvais agréable ce contact sur mes lèvres. Sans savoir ce que je faisais, je me laissai emporter. Je glissai mes mains sous son tee-shirt. J'avais conscience de comment j'allais regretter le lendemain, mais je m'en fichais comme de la préhistoire. Pour le moment, ce que je désirais c'était oublié mes problèmes, quoi de mieux que ce que je m'apprêtais à faire ?